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COVID-19 : La réparation navale face au COVID-19
Pour faire face à l’épidémie de COVID-19, la navigation maritime a été considérablement restreinte dans les eaux territoriales françaises.
Le Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire interdit aux établissements dits de plein air de recevoir du public. Les établissements d’entretien ou de réparation de navires n’entrent pas dans les exceptions prévues en annexe du Décret susvisé.
L’arrêté de la préfecture maritime de Méditerranée n°037/2020 du 20 mars 2020 réglementant la navigation des navires et les activités maritimes dans les eaux intérieures et territoriales françaises de la Méditerranée pour faire face à l’épidémie du CORONAVIRUS 2019 (COVID-19) interdit les activités nautiques et de loisir à l’exception de certaines navigations dont celles des navires en réparation dans un chantier naval dans le cadre d’un convoyage ou d’un essai en mer.
A ce titre, il est permis de s’interroger sur le maintien de l’activité des chantiers navals et plus largement de l’industrie de la réparation navale. Le maintien de l’activité pour les professionnels de la réparation navale doit, en tout état de cause, se confronter aux règles impératives de protection des salariés.
L’arrêté susvisé indique que les navigations maritimes en vue d’effectuer une réparation sont soumises à l’autorisation préalable du sémaphore de la marine nationale le plus proche. En pratique, les navires à destination d’un chantier naval devront préalablement adresser un e-mail au sémaphore le plus proche du port base afin de les informer de la navigation projetée.
Dans le silence du texte, il serait également préférable de conserver à bord du navire une preuve permettant de démontrer, en cas de contrôle, que la navigation est effectuée en vue de rejoindre un chantier. L’autorisation préalable des Sémaphores permettra certainement de canaliser le nombre de navires de plaisance dont la navigation est autorisée.
Il conviendra toutefois de rappeler qu’en application du Décret n° 2004-112 du 6 février 2004 relatif à l’organisation de l’action de l’Etat en mer l’autorité des Préfets maritimes s’exercent « à partir de la laisse de basse mer, sauf dans les ports à l’intérieur de leurs limites administratives et dans les estuaires en deçà des limites transversales de la mer. »
Dans ce contexte, les ports de plaisance devront mettre en œuvre des mesures pour assurer la continuité du service public portuaire lequel inclut, selon le Conseil d’Etat, « à la fois, la sécurité des biens et des personnes et le bon emploi des outillages et des ouvrages du port ».
Dans les ports de plaisance, parmi les navires destinés à l’activité de plaisance, y séjournent également, ceux participant à l’entretien des ouvrages, au balisage, aux secours en mer. On y trouve aussi les navires qui contribuent aux activités touristiques. Des postes d’amarrage sont aussi dédiés aux chantiers navals, et aux professionnels du nautisme.
A ce titre, il serait envisageable de définir dans l’enceinte des ports de plaisance des zones « anti Covid-19 » dont l’accès serait strictement réservé à l’accueil des navires dont la navigation est autorisée par les Préfectures maritimes. De la même manière, il appartiendra au Maître de port de faire usage de son pouvoir de police afin de limiter les mouvements de navires à l’intérieur du bassin aux seuls navires dont la navigation est autorisée.
En tout état de cause, l’existence de cette exception permettant de justifier une navigation maritime, peut inciter les professionnels du nautisme et de la plaisance, et notamment les chantiers navals, à reprendre leur activité en vue de la saison estivale.
Le maintien d’une activité professionnelle peut toutefois s’avérer périlleux pour l’employeur au regard du respect de son obligation de sécurité. L’obligation de sécurité de l’employeur est analysée comme une obligation de moyen fondée sur des principes généraux de prévention afin de « combattre les risques à la source ».
Dans une note publiée du 26 mars 2020, le ministère du travail rappelle les règles à respecter pour les entreprises qui maintiennent une activité.
Force est de constater qu’il semble difficile pour des prestations effectuées à bord d’un navire de « respecter les règles de distanciation (1 mètre minimum) et les gestes barrières, simples et efficaces », et d’éviter les « regroupements de salariés dans des espaces réduits doivent être limités ».
Le navire est, par nature, un lieu de travail exigu dans lequel il sera difficile de respecter les gestes préconisés pour lutter contre l’épidémie de Covid-19.
Conformément à l’article L. 4121-1 du Code du travail, dans ce contexte sanitaire à risque, l’employeur devra prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »
Les travaux de réparation navales présentent beaucoup de similitude avec les chantiers du bâtiment et des travaux publics. La comparaison se justifie notamment au regard de l’existence d’une multitude d’intervenants sur un navire en réparation.
Les chantiers navals utilisent fréquemment les services d’un certain nombre de sous-traitants. Le chantier accueille également l’équipage du yacht en réparation ainsi que des entreprises que le capitaine ou la société de management du yacht font intervenir directement.
Le texte applicable à la mise en cohérence des intervenants reste actuellement le décret no 77-1321 du 29 novembre 1977 modifié qui continue de régir la construction et la réparation navales.
Dans ce contexte, l’article 10 du décret n°77-1321 du 29 novembre 1977 fixant les prescriptions particulières d’hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure applicable à la réparation navale impliquant le recours à la sous-traitance dispose « lorsque les travaux définis à l’article 1er sont effectués de nuit ou dans un lieu isolé ou à un moment où l’activité de l’entreprise utilisatrice est interrompue, le chef de l’entreprise intervenante doit prendre les dispositions nécessaires pour qu’aucun salarié ne travaille isolément en un point où il ne pourrait pas être secouru à bref délai en cas d’accident. »
En application de ces règles de sécurité, certaines prestations nécessitent la présente d’au moins deux salariés. Dans ce cas de figure, il sera difficile pour l’employeur de faire respecter les directives du ministère du travail visant à protéger les salariés des risques de contamination.
Face à ces nouvelles organisations du travail et aux risques associés, il appartiendra aux employeurs et aux armateurs de mettre à jour l’évaluation des risques professionnels liés à leur activité, de la prendre en compte dans le document d’évaluation des risques et de fixer les mesures de prévention qui en découlent.
Les règles impératives de protection des marins et des salariés contraindront les armateurs/employeurs à cesser toute activité, y compris celles autorisées par les autorités maritimes, lorsqu’il existe un risque avéré pour les salariés/marins dont l’activité a été maintenue. C’est en considération de ces principes que les armateurs/employeurs devront réfléchir à la nouvelle organisation du travail imposée par le Covid-19.
Nicolas Marty
Jérôme MOULET